Site original : ploum.net
Dans ce billet, je vous explique comment j’ai découvert qu’une société de marketing propose mes services, mettant en avant une version fantaisiste de ma biographie, sans que j’en aie été informé.
Mon recueil de nouvelles « Stagiaire au spatioport Oméga 3000 » s’ouvre sur la génération d’un auteur artificiel adapté à vos goûts selon vos données personnelles collectées.
Lorsque j’ai écrit cette introduction, j’étais persuadé que j’allais me faire rattraper un jour ou l’autre par la réalité. Je n’imaginais pas que ce serait avant même que le livre soit disponible dans les librairies !
Et pour cause…
Après avoir publié un billet sur l’invasion des contenus générés par des AI, j’allais faire directement l’expérience de devenir un conférencier généré automatiquement !
Testant mon nouveau site, quelle ne fut pas ma surprise de trouver sur la première page Google de la recherche « Lionel Dricot » un profil à mon nom sur un site dont je n’avais jamais entendu parler.
Capture d’écran d’une recherche Google pour « Lionel Dricot »
Un profil décrivant ma biographie avec moult détails, reprenant des photos et vidéos de diverses conférences. J’étais intrigué. Sur Mastodon, un lecteur me signala que le site était chez lui le premier résultat Bing pour une recherche sur mon patronyme .
Capture d’écran d’une recherche Bing pour « Lionel Dricot »
Un site étrange, à l’apparence très professionnelle et qui se présente comme une entreprise de « Celebrity Marketing ». Le simple fait que je sois sur un site de Celebrity Marketing a fait pouffer mon épouse. Elle a d’ailleurs remarqué que l’entreprise tire son nom de Simone Veil et Nelson Mandela. Utiliser Simone Veil et Nelson Mandela pour faire du « Celebrity Marketing », ça pose le niveau ! Ah ouais quand même…
Mon profil sur le site incriminé
Petite précision : je ne ferai pas de lien vers ce site, car c’est explicitement interdit dans leurs conditions d’utilisation.
Conditions d’utilisation du site S&N interdisant de faire un lien vers le site
Pratiquement, que fait cette société ? C’est très simple : elle met en contact des entreprises à la recherche de conférenciers et des conférenciers. C’est un service assez courant, j’ai même été en contact il y a quelques années avec une agence de ce genre. Souvent, ces agences signent un contrat d’exclusivité : le conférencier est obligé de passer par l’agence pour toutes les conférences qu’il donne. En échange, l’agence lui trouve des conférences, fait sa promotion, le place voir lui trouve un remplaçant en cas de forfait (j’ai moi-même effectué ce genre de remplacements).
Sauf que dans le cas présent, je n’ai signé aucun contrat, je n’ai pas donné mon accord ni même été vaguement informé ! Le site donne l’impression que, pour me contacter, il faut absolument passer par eux. Nous ne sommes plus dans la bêtise, mais dans la malhonnêteté caractérisée.
Formulaire pour me contacter… via le site S&N !
La lecture de ma biographie est particulièrement intéressante, car, à première vue, elle est tout à fait crédible. Une personne peu informée n’y trouverait, à première vue, pas grand-chose à redire à part quelques fautes d’orthographe (mon roman s’appelle « Printeurs », à la française, pas « Printer » et j’ai du mal à imaginer qu’il puisse être perçu comme un message d’espoir ! La scène du nouveau-né dans le vide-ordure n’était assez explicite ?)
Mais une lecture attentive relève des aberrations. Ces aberrations ont toutes une explication pour peu qu’on se mette à creuser. Ainsi j’aurais écrit une nouvelle intitulée « Voulez-vous installer Linux mademoiselle ? ». Comme l’a découvert un lecteur, cette phrase est extraite d’une de mes nouvelles intitulées « Les non-humains », publiée sur Linuxfr et Framasoft.
J’ai également appris également que je suis cofondateur d’Ubuntu. Excusez du peu ! C’est bien entendu faux. Je suis co-auteur du premier livre publié sur Ubuntu, ce qui est très différent. Certaines phrases semblent également sorties de leur contexte (pourquoi insister sur l’obésité et la malnutrition ?) Enfin, le tout se termine par le sublime :
Lors de ses conférences, Ploum nous prédit un monde plus sain et doux.
Le ton général et les références font fortement penser à un texte généré artificiellement. Du type : « Donne-moi une biographie de Lionel Dricot », le tout en anglais suivi d’une traduction automatique. Il est possible que ce soit ce qu’on appelle un « mechanical turk », un travailleur sous-payé à qui on demande un travail que pourrait faire une IA (très fréquent dans les chats de support). Mais cela aurait dû au moins lui prendre une heure et j’ai du mal à imaginer qu’on paye une heure de travail pour pondre ma biographie.
Que le texte soit ou non généré par une IA, cela ne change rien. Il pourrait très bien l’être et est représentatif de ce que produisent et produiront toujours les IAs : quelque chose qui a l’air correct, mais est constellé de fautes difficilement détectables pour un non-spécialiste (j’ai la chance d’être le plus grand spécialiste vivant de ma propre biographie).
À ce stade, je pourrais tout simplement envoyer un mail et exiger le retrait de la page, l’histoire en resterait là. J’ai alerté une connaissance qui est également sur ce site.
Mais ce serait trop facile. L’existence de ce profil pose plusieurs problèmes.
Premièrement en se mettant en intermédiaire entre moi et des clients potentiels sans mon accord et en donnant l’impression que je suis affilié à cette entreprise. Cela pourrait sérieusement nuire à mon image ou à mon business (si j’avais l’une ou l’autre).
Mais l’existence de ce genre de profil peut tordre la réalité de manière encore plus insidieuse. Admettons qu’un wikipédien, affilié ou nom à cette entreprise, se serve de ces infos pour créer une fiche Wikipédia à mon nom. Cela semble parfaitement légitime vu que cette page semble avoir été faite avec mon accord. Cette info pourrait être reprise ailleurs. Soudainement, je deviendrais l’auteur d’une nouvelle que je n’ai jamais écrite. De nombreux libristes informés s’affronteront pour savoir si je suis oui ou non cofondateur d’Ubuntu. Déjà que je suis devenu un écrivain français sur Babelio !
En envoyant un simple mail pour demander le retrait de cette page, je légitime cette pratique business et me prépare à devoir surveiller en permanence le web pour faire retirer les profils générés sans mon accord.
Attaquer en justice une société dans un pays qui n’est pas le mien (car Babelio se plante, pour info) ? Ô joies administratives en perspectives ! (si vous êtes juriste spécialisé et intéressé, contactez-moi)
Ou alors il me reste la solution de lutter avec mes armes à moi. De faire le ploum et de vous raconter cette histoire de la manière la plus transparente possible. Afin de vous mettre en garde sur le fait que tout ce que vous lisez sur le web est désormais un gloubi-glouba qui a l’air sérieux, qui a l’air correct, mais qui ne l’est pas. Toutes les plateformes sont impactées. Tous les résultats des moteurs de recherche.
En rendant cette histoire publique, je sais que la société va réagir avec « ouin-ouin je suis une entrepreneuse-je-ne-pensais-pas-à-mal-je-le-ferai-plus » ou alors « c’est-le-stagiaire-qui-a-fait-une-erreur-on-le-surveillera-mieux » voir « on-a-fait-ce-profil-avec-nos-petites-mains-parcec-qu’on-admire-votre-travail-on-penserait-que-vous-seriez-flatté ». Bref d’odieux mensonges hypocrites. C’est la base du métier du marketing : mentir pour pourrir la vie des autres (et détruire la planète).
Et si la malhonnêteté ne vous est pas encore flagrante, apprenez que la société se targue de posséder la propriété intellectuelle des textes et photos sur son site. Je pense que le photographe du TEDx Louvain-la-Neuve serait ravi de l’apprendre… La plupart de ces images de moi ne sont même pas sous licence libre !
Conditions d’utilisation du site S&N stipulant la propriété intellectuelle des contenus
Si cela n’était pas encore clair, je suis désormais la preuve vivante que tout ce que pond le marketing est du mensonge. Ce qui est juste ne l’est que par hasard. Et tout ce qui nous tombe sous les yeux est désormais du marketing. Pour sortir de ce merdier, il va falloir trouver des solutions (Bill Hicks en proposait une très convaincante…).
Nous allons devoir reconstruire des cercles de confiance. Oublier nos formations à reconnaître les « fake news » et considérer toute information comme étant fausse par défaut. Identifier les personnes en qui nous avons confiance et vérifier qu’un texte signé avec leur nom est bien de leur plume. Ce n’est pas parce qu’il y’a un cadenas vert ou une marque bleue à côté du pseudo que l’on peut faire confiance. C’est même peut-être le contraire…
Bref, bienvenue dans un web de merde !
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Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir.
All over the web, we are witnessing very spectacular results from statistic algorithms that have been in the work for the last forty years. We gave those algorithms an incredibly catchy name: "Artificial Intelligence". We now have very popular and direct applications for them: give the algorithm a simple text prompt (don’t get me started on the importance of text) and it generates a beautiful original picture or a very serious-sounding text. It could also generate sounds or videos (we call them "deep fakes"). After all, it generates only a stream of bits, a bunch of 1 and 0 open to interpretation.
All of this has been made possible because billions of humans were uploading and sharing texts and pictures on the commons we call "the Internet" (and more specifically the web, a common more endangered every day because of the greediness of monopolies). People upload their creation. Or creations from others. After all, does "owning" a text or a picture has any meaning anywhere except in the twisted minds of corrupted lawyers?
What we are witnessing is thus not "artificial creativity" but a simple "statistical mean of everything uploaded by humans on the internet which fits certain criteria". It looks nice. It looks fantastic.
While they are exciting because they are new, those creations are basically random statistical noise tailored to be liked. Facebook created algorithms to show us the content that will engage us the most. Algorithms are able to create out of nowhere this very engaging content. That’s exactly why you are finding the results fascinating. Those are pictures and text that have the maximal probability of fascinating us. They are designed that way.
But one thing is happening really fast.
Those "artificial" creations are also uploaded on the Internet. Those artificial artefacts are now part of the statistical data.
Do you see where it leads?
The algorithms are already feeding themselves on their own data. And, as any graduate student will tell you, training on your own results is usually a bad idea. You end sooner or later with pure overfitted inbred garbage. Eating your own shit is never healthy in the long run.
Twitter and Facebook are good examples of such algorithmic trash. The problem is that they managed to become too powerful and influential before we realised it was trash.
From now on, we have to treat anything we see on the Internet as potential AI garbage. The picture gallery from an artist? The very cool sounding answer on Stackoverflow? This article in the newspaper? This short viral video? This book on Amazon? They are all potential AI garbage.
Fascinating garbage but garbage nonetheless.
The robot invasion started 15 years ago, mostly unnoticed. We were expecting killing robots, we didn’t realise we were drowned in AI generated garbage. We will never fight laser wearing Terminators. Instead, we have to outsmart algorithms which are making us dumb enough to fight one against the other.
Time to enter into resistance, to fight back by being and acting like decent human beings. Disconnect. Go outside. Start human discussions. Refuse to take for granted "what was posted on the Internet". Meet. Touch. Smell. Build local businesses. Flee from monopolies. Refuse to quickly share and like things on your little brainwired screen. Stop calling a follower number "you community" and join small online human communities. Think.
How to recognise true human communities free of algorithmics interferences?
I don’t know. I don’t even know if there are any left. That’s frightening. But as long as we can pull the plug, we can resist. Disconnect!
As a writer and an engineer, I like to explore how technology impacts society. You can subscribe by email or by rss. I value privacy and never share your adress.
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Avertissement : Ce billet est une rétrospective technique des 18 années de ce blog. Il contient des termes informatiques et traite de la manière dont j’ai développé du code pour créer les pages que vous lisez. N’hésitez pas à passer les paragraphes qui contiennent trop de jargon.
Je suis un précurseur visionnaire.
En 2004, sur les conseils de mon ami Bertrand qui avait constaté que j’écrivais de longues tartines éparpillées aux quatre coins du web, je finis par ouvrir un blog. J’étais au départ réticent, affirmant qu’un blog n’était qu’un site web comme un autre, que la mode passerait vite. Tout comme le podcast n’était jamais qu’un fichier MP3, que la mode passerait tout autant. J’avais tenu un discours similaire en 97, affirmant que le web n’était que du texte affiché à l’écran, que la mode passerait. Juste avant de créer mon premier site. Un véritable précurseur visionnaire vous dis-je.
Inspiré par le Standblog de Tristan Nitot (que je lisais et lis toujours), j’installai le logiciel Dotclear sur le serveur de deux amis et me mis à bloguer. Pour ne plus jamais arrêter. Que Bertrand, Tristan, Anthony, Fabien et Valérie (qui nomma mon blog "Where is Ploum?") soient ici mille fois remerciés.
En 2010, n’arrivant pas à trouver un thème Dotclear 2 qui me satisfasse, je décidai de migrer temporairement vers Wordpress (et non pas vers J2EE). Plateforme sur laquelle je suis resté depuis.
La vie avec Wordpress n’est pas de tout repos : mises à jour fréquentes, incompatibilités avec certains plug-ins, évolutions de plug-ins et de thèmes, certains devenant payants, messages d’alertes pour des versions PHP ou MySQL dépassées. Sans compter des pléthores de versions d’un fichier htaccess à ne surtout pas toucher sous peine de tout casser, des sauvegardes de bases de données à faire et oubliées dans un coin.
Cherchant un minimalisme numérique, Wordpress ne me convenait plus du tout. Il ne correspondait plus non à ma philosophie. Malgré quelques tentatives, je n’avais pas réussi à retirer tout le JavaScript ni certaines fontes hébergées par Google sans casser mon thème. En 2018, je me suis activement mis à chercher une alternative.
À cette époque, j’ai rencontré Matt, le fondateur de Write.as. J’ai contribué au projet afin de le rendre open source (ce que Matt fera sous le nom WriteFreely). Nous avons tenté de l’adapter à mes besoins. Besoins que je décrivais dans un long document évolutif. En parallèle, je testais tous les générateurs de sites statiques, les trouvant complexes, n’arrivant pas à faire exactement ce que je voulais.
Je prétendais chercher du minimalisme et je reproduisais, sans le vouloir, le syndrome du project manager J2EE dont je m’étais moqué.
Découvrant le protocole Gemini, je me suis rendu compte que c’était bel et bien ce genre de minimalisme auquel j’aspirais. J’en étais convaincu : mon Ploum.net nouvelle génération devrait également être sur Gemini.
Mais loin de m’aider, cette certitude ne faisait qu’ajouter une fonctionnalité à la liste déjà longue de ce que je voulais pour mon blog. Je me perdais dans une quête d’un workflow idéal.
Après quelques mois, abandonnant l’idée de mettre mon blog sur Gemini, je me décidai à ouvrir un Gemlog sur rawtext.club. Pour tester. Que cmccabe soit ici publiquement remercié.
J’écrivais tous mes fichiers à la main dans Vim, je les envoyai ensuite sur le serveur distant depuis mon terminal. Le tout sans le moindre automatisme. J’y prenais énormément de plaisir. Alors que je pensais juste tester la technologie, je me suis naturellement retrouvé à écrire sur mon Gemlog, à réfléchir, à partager. Je retrouvais la naïveté initiale de mon blog, la spontanéité.
Au fil des mois, j’introduisis néanmoins certaines automatisations. Sauvegardes et envoi vers le serveur grâce à git. Un petit script pour générer la page d’index. Les billets sur mon gemlog connaissaient un certain succès et certains les partageaient sur le web grâce à un proxy gemini−>web. Un comble !
Et c’est à ce moment-là que je compris que mon blog ne serait jamais sur Gemini. Ce serait le contraire ! J’allais mettre mon gemlog sur le web. Et importer près de 800 billets Wordpress dans mon Gemlog. Plus de 800.000 mots écrits en 18 années de blog. L’équivalent de 15 livres de la taille de Printeurs.
Depuis mon premier Dotclear, je jouais avec les thèmes, les plug-ins, les artifices, les commentaires. Je ne m’étais jamais vraiment posé la question de ce que j’attendais de mon blog.
Mon blog est, depuis ces années, un fil de vie, un élément essentiel de mon identité. Mon blog me reflète, je suis qui je suis grâce à mon blog. Il est une partie de mon intimité, de mon essence.
Qu’ai-je envie de faire de ma vie ? Écrire ! Mon blog doit donc me faciliter le fait d’écrire et son pendant indissociable : être lu !
Être lu ne signifie pas être découvert, avoir des fans, des likes ou des abonnés. Être lu signifie que chaque personne arrivant sur un article sera considérée comme une lectrice et respectée comme telle. Pas d’engagement, de métriques, d’invitation à découvrir d’autres articles. Une lectrice a le droit de lire dans les meilleures conditions et de passer ensuite à autre chose.
Pour la première fois, le chemin me semblait enfin clair. Je n’allais pas tenter de trouver le logiciel parfait pour faire ce que je voulais. Je n’allais pas planifier, tester, connecter des solutions différentes en écumant le web. J’allais tout faire à la main, tout seul comme un grand. Si j’arrivais à convertir mon blog Wordpress en fichiers gmi (le format Gemini), il ne me restait qu’à écrire une petite routine pour convertir le tout en HTML.
Un adage chez les programmeurs dit que tout programme complexe nait parce que le programmeur pensait sincèrement que c’était facile. Mon script ne fait pas exception à la règle. Il m’aura fallu plusieurs mois pour peaufiner et arriver à un résultat acceptable. Devant me passer du service Mailpoet intégré à Wordpress (service dont la licence m’était fournie par un sympathique lecteur, qu’il soit ici remercié), je du me résoudre à écrire ma propre gestion d’email pour pouvoir l’intégrer à un service open source. Ce fut la partie la plus difficile (probablement parce qu’en toute honnêteté, cela ne m’intéresse pas du tout). Si vous voulez recevoir les billets par mail, il existe désormais deux mailing-listes (si vous avez reçu ce billet par mail, vous êtes inscrit à la première FR mais pas à celle en anglais EN, je vous laisse vous inscrire si vous le souhaitez) :
J’avoue être assez fier du résultat. Chaque billet que vous lisez est désormais un simple fichier texte que j’écris et corrige avant de publier en l’insérant dans le répertoire FR ou EN selon la langue. À partir de là, le tout est envoyé par git sur le service sourcehut et un script publish.py transforme mon texte en une page gmi, une page hmtl ou un email. À l’exception des éventuelles images, chaque page est complètement indépendante et ne fait appel à aucune ressource externe. Même les 40 lignes de CSS (pas une de plus) sont incluses. Cela permet des pages légères, rapides à charger même sur une mauvaise connexion, compatibles avec absolument toutes les plateformes même les plus anciennes, des pages que vous pouvez sauver, imprimer, envoyer sans craindre de perdre des informations. Bref, des véritables pages web, un concept devenu absurdement rare.
En codant ce site, il m’est apparu que le minimalisme impliquait de faire des sacrifices. D’abandonner certains besoins. La raison pour laquelle je n’avais jamais été satisfait jusqu’à présent était mon incapacité à abandonner ce que je pensais essentiel.
Les tags aident-ils la lecture ? Non, ils ont donc disparu. Les séries ? J’étais convaincu d’en avoir besoin. J’ai commencé à les implémenter, mais je n’ai pas été convaincu et j’ai mis ce travail de côté. La recherche intégrée ? La fonctionnalité est certes utile, mais son bénéfice ne couvre pas le coût de sa complexité. J’ai dû me faire violence pour l’abandonner, mais, une fois convaincu, quel soulagement !
Pour remplacer la recherche, je dispose de deux armes : la première est que la liste de tous mes billets est désormais disponible sur une simple page. Si vous connaissez un mot du titre du billet que vous recherchez, vous le trouverez avec un simple Ctrl+f dans votre navigateur.
Pour la recherche plus profonde sur le contenu, mes billets étant désormais de simples fichiers texte sur mon disque dur, la commande "grep" me convient parfaitement. Et elle fonctionne même lorsque je suis déconnecté.
Car l’aspect déconnecté est primordial. Ma déconnexion dans la première moitié de 2022 m’a fait prendre conscience à quel point mon blog Wordpress n’était plus en phase avec moi. Je ne pouvais plus le consulter simplement, je ne pouvais plus y poster sans passer du temps en ligne.
Mes lecteurs les plus techniques peuvent également me consulter offline avec un simple "git clone/git pull".
Le titre de ce billet est volontairement racoleur (et si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est que ça fonctionne), mais, oui, ce billet annonce bel et bien la fin de mon blog sur le web tel qu’il a été durant 18 ans.
Désormais, vous ne lirez plus que mon Gemlog. Gemlog dans lequel j’ai importé le contenu de mon ancien blog. Cette approche Gemini-first implique des contraintes assez fortes, notamment celle de n’avoir qu’un lien par ligne (ce qui rend certains de mes anciens billets truffés de liens assez particuliers à lire, je le reconnais).
J’ai cependant pris grand soin de faire en sorte que les anciennes URLs fonctionnent toujours. "Cool URLs never change". Si ce n’est pas le cas, signalez-le-moi !
Une autre particularité de ce projet dont je suis fier est que tout mon blog ne dépend désormais plus que de deux briques logicielles : git et python, des composants fondamentaux sur lesquels je peux espérer me baser jusqu’à la fin de ma vie. Le tout étant rédigé dans Vim et corrigé par le couple Antidote/Grammalecte (le point le plus fragile de mon système).
Ce qui me fait dire que ce site est peut-être bel et bien la dernière version de ploum.net. Après Dotclear et Wordpress, je ne dépends désormais plus de personne. Plus de mises à jour imposées, plus de changements soudains d’interface, plus d’adaptation à des nouvelles versions (à part un éventuel python 4 qui ne devrait pas poser de problème vu que je n’utilise à dessein aucune bibliothèque externe). J’évolue à mon rythme et en faisant exactement ce qui me plait, sans dépendre d’une communauté ou d’un fournisseur.
Aurais-je été plus efficace avec un générateur de site web existant ? Peut-être. Je n’en suis pas convaincu. J’aurais dû l’apprendre et me plier à ses contraintes arbitraires. Pour ensuite tenter de l’adapter à mes besoins. Même si cela avait été plus rapide sur le court terme, il aurait été nécessaire de me plier aux nouvelles versions, d’espérer qu’il soit maintenu, de m’intégrer dans la communauté et j’aurais forcément fini par migrer vers une autre solution un moment ou un autre.
Pour la première fois, mon blog exprime donc avec son code des valeurs que je tente de mettre par écrit : la simplicité volontaire est difficile, mais libère autant l’auteur que les lecteurs. Elle implique une vision tournée vers un long terme qui se compte en décennies. L’indépendance se conquiert en apprenant à maitriser des outils de base plutôt qu’en tentant d’adopter la dernière mode.
En apportant les dernières touches au code qui génère ce qui n’est pour vous qu’une page parmi tant d’autres, j’ai eu l’impression d’avoir réduit la distance qui nous séparait. Les intermédiaires entre mon clavier et votre intelligence ont été réduits au strict nécessaire. Plutôt que des connexions à des interfaces impliquant des copier-coller, des chargements de librairies JavaScript, j’écris désormais dans un simple fichier texte.
Fichier texte qui s’affiche ensuite dans vos mails, votre lecteur RSS ou votre nagivateur.
Cela parait trivial, simple. C’est pourtant l’essence du web. Une essence qui est malheureusement beaucoup trop rare.
Merci de me lire, de me partager (pour certain·e·s depuis des années), de partager mon intimité. Merci pour vos réactions, vos suggestions et votre soutien. J’espère que cette version vous plaira.
Bonnes lectures et bons partages !
PS: Si vous relisez régulièrement certains anciens articles (plusieurs personnes m’ont confié le faire), n’hésitez pas à vérifier que tout est OK et me signaler tout problème éventuel. Comme tout logiciel, le travail n’est jamais terminé. La version Wordpress restera disponible sur le domaine ploum.eu pour quelques mois.
Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain. Abonnez-vous à mes écrits en français par mail ou par rss. Pour mes écrits en anglais, abonnez-vous à la newsletter anglophone ou au flux RSS complet. Votre adresse n’est jamais partagée et effacée au désabonnement.
Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir.
Nearly two years ago, I put into words the dream I had for a durable computer. A computer that would be built for a lifetime. A computer that would not do everything but could do 80% of what I expect from it. I called this idea the Forever Computer.
I expected to launch a conversation about what we really expect from computers. What do we really want from them? What are some limitations that could N free us? What if we didn’t have a pointer but still wanted to be user-friendly by avoiding cryptic key combinations? What if we only had rare and intermittent connections? What if we didn’t have a high-resolution screen? Thinking about that gave birth to Offpunk, a command-line and offline web browser.
Unsurprisingly, most of the reactions I had from my Forever Computer dream where about hardware. Every idea, every project I saw could be summarised as "How to make hardware we can repair while not questioning what we do with this hardware?" The (very interesting) Framework laptop is available as… a Chromebook. This is like transitioning to electric cars while having electricity generated from coal and not questioning why we ride in the first place. Oh, wait…
By developing and using Offpunk, I had to think about what it means to use a computer. I ended up putting my fingers on a huge paradigm problem : we don’t have computers any more. We have "content consuming devices".
On my typewriter, two small retractable metal holders allow the page to stand up while being written. It’s fairly common. I realised that I retract them to keep the paper flowing horizontally. Instead of building a wall of text between me and my environment, I stay open to my surroundings, I catch the ideas that are besides the machine, further away. On the Freewrite, the horizontal e-ink screen does exactly the same. And it works great. It allows me to see what I’m writing without being absorbed by it.
On our computers, the screen is always bigger, shinier, brighter. It is designed to consume you while you consume content. It is a wall to lock you in, to make you prisoner of your little space. Developers need three screens to habit this virtual space. Meetings are now little rooms where everyone put a screen behind himself and others while pretending to listen to someone who connected his own screen to a projector (because the only way to have us outside of our own little screen is a bigger shared screen). Tablets and phones are screen-only computers designed to take our attention, to make us consume more and more contents even when we are with beloved ones.
Browsing the Gemini network with Offpunk allowed me to realise how "consuming and producing content" was a disease and not something we ever wanted to do as humans.
But while computers were transformed into screens, we completely lost the main input mechanism: the keyboard. It is not that the inefficient and absurd misaligned qwerty keyboard didn’t evolve. It actually worsened. We lost the mechanical keys in the search for flatness. We lost comfort. We lost any ergonomics. The only point was to make a keyboard as flat as possible and the same size as the screen to fit it in a laptop. With its infamous butterfly keyboard, Apple even managed to make it painful to type. And I’m not talking about those small touchscreen keyboards which still mimic a full, often misaligned, qwerty keyboard.
We know what a good keyboard is. Independent tinkerers managed to build awesome stuff. There were some really interesting experiments but, in the end, it looks like every attempt at reinventing the keyboard ends in some kind of split orthogonal form with alternative layout (Dvorak, Colemak or, for me, Bépo).
Why haven’t we seen a single computer with such a built-in keyboard? Because computers are not built to type any more. There are built to consume content. Even professional coders spend more time consuming Slack messages and Github badge notifications than writing code.
When you add a bright screen to a cramped keyboard, you end up with the worst possible design: the clamshell laptop.
The clamshell is perfect to close it and put it in a bag. It is awful to use. It is like giving a triangle to a cello player before a concert because, hey, the triangle is easiest to travel with.
With a clamshell, the keyboard and the screen are never where there should be. The keyboard is too high, forcing our arms and shoulders in a stressful position while the screen is too low and deforms our neck. Our body is suffering because we don’t want to think about what we do with our computers.
As I was thinking why it was so relieving to let the paper roll horizontally on my typewriter, I realised that it allowed me not to read it all the time. I was encouraged to look outside while typing, having only glances at the paper. When lying lower, text is more comfortable to read horizontally. You only need a really slight angle to read a book open on a table.
All those points made me realise that a true Forever Computer should be built "keyboard first". The keyboard should be the most important part, with a housing for travel. The same housing could host a small screen, possibly an e-ink one. While travelling, that would allow you to read deeply (with the screen in your hand, like an e-reader) or to attach it to the keyboard to write while not being absorbed by the screen. You separate the action of reading and writing instead of being always between two chairs.
The keyboard would feature a port to plug a bigger screen that you could have at home or in your office. Those screens could be put on the wall or, like any external monitor, configured to be at eye level.
When you think about it, it allows us to reintroduce the locality of action. Want to watch videos? Go to the living room and plug to the big screen. Want to code in an IDE or do some graphic work? Go to the office and plug into your desk’s screen. Not at your desk? You can read, takes notes, answer your emails (that will we synchronised when needed). But don’t pretend to code a little, answer a message, watch a video while eating at a restaurant.
We currently own a screen with very minimal input to allow us to consume content and access our own data which are on some company servers. The only thing we own, the only thing we pay for is a screen. Sometimes with a bad keyboard.
What I call the Forever Computer is exactly the opposite. You own your input (your favourite keyboard and trackball). You own your data (stored with the computer itself in the keyboard housing). The screen is only a commodity. You can share the screen, you can use someone else screen, you can plug to the one in your hotel room.
This is the point where my dream made me realise what a nightmare our tech dystopia has become. When did building the same old laptop or phone with a handful of replaceable part became the epitome of sustainability and innovation? Why is cramming a few more pixels and a few more CPU cycles to allow hundred megabytes of JavaScript to render some text using a cool new font seen as "a revolution". Like any other tool, we should accept that you need to learn how to use a computer. Short-term UX marketing and regular updates with arbitrary changes in the interface have killed the very notion of "learning to use a computer". People have been reduced to "consumers having to adapt to the change of their consuming machine". We forgot that a computer should not hide how it works to be easy but instead allow its user to learn gradually about it. If we want durability, learnability is the key. When you learn something, you take care of it. You start to like it, to maintain it. It’s the opposite of forced upgrade cycles.
I don’t know if there will be something like my "Forever Computer" in my lifetime. But there’s one thing I’m now certain: the ethical computer will be radically different of what we have in 2022. Or it will never be.
If you want to discuss the Forever Computer, I’ve opened a mailing-list on the subject. Join us!
I’m closely following the work done by MNT on its Reform and its future Reform Pocket computers. People like them are probably those that could reinvent computing and free us from the current paradigm.
While not radical at all, the Framework is probably the most interesting project for regular computer users.
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Pourriez-vous devenir le premier Madame pipi mâle de la station spatiale Omega 3000 ? Ou optimiser le rendement des mines de chocolat de la Lune ? La vie privée étant abolie, percerez-vous l’identité secrète de l’homme le plus riche du monde ? Comment lutter contre les monopoles informatiques si, lassée de vous voir taper à la machine, votre famille vous inscrit à une initiation aux ordinateurs ? Jouerez-vous un rôle majeur dans le destin de la galaxie ou resterez-vous un figurant ?
Toutes les réponses à ces questions (et à bien d’autres) sont désormais disponibles dans « Stagiaire au spatioport Omega3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur », un recueil de nouvelles désormais disponibles en ligne et dans toutes les librairies de Suisse. Il arrivera dans celles de France et de Belgique en février 2023.
Ce qui est un peu tard pour les cadeaux de Noël/Newtonmass, raison pour laquelle vous pouvez directement commander ce recueil chez l’éditeur.
=> Commander « Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur »
« Stagiaire au spatioport Omega 3000 » est une idée cadeau idéale, car, contrairement à un roman, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, le livre offre ici 15 histoires très différentes. Certaines plus farfelues, d’autres sérieuses. Des rigolotes, des absurdes ou des interpelantes voire tout simplement poétiques. L’une évoque la problématique du genre dans le cadre du space opera ( « Stagiaire au spatioport Omega 3000 »). D’autres alertent sur l’emprise des monopoles informatiques ( « Le dernier espoir »), la disparition de la vie privée en ligne ( « Le jour où la transparence se fit » ) ou l’impact à très long terme de nos choix technologiques ( « Les successeurs » ).
En (vous) offrant ce recueil, vous offrez donc des moments de plaisir, de rire et de poésie, mais également, sans en avoir l’air, des pistes de réflexion et des introductions à des sujets potentiellement difficiles que vous, lecteurs de mon blog, vous connaissez probablement déjà.
Autour de la bûche de Noël, rien que le titre et la couleur de la couverture devraient occuper une bonne partie de la soirée et détourner un bon moment les conversations de la coupe du monde au Qatar, de la crise économique et de la guerre en Ukraine. Avouez que, à ce prix là, c’est donné !
Alors, plutôt que de parcourir les centres commerciaux surchauffés, offrir 15 nouvelles est une idée de cadeau rapide, chic et pas cher !
Pour ceux dont la liste de lecture peut attendre février, commandez le livre dès maintenant chez votre libraire. On ne se rend compte de l’importance des librairies que lorsqu’on les perd, soutenez-les ! L’ISBN est 978-2-940609-29-1.
=> Fiche du livre sur Place des libraires
Depuis ma plus tendre enfance, je dévore les recueils de nouvelles. J’adore quand les nouvelles sont entrecoupées d’anecdotes par l’auteur. Ce que fait Isaac Asimov avec un talent incroyable.
Lorsque Lionel, mon éditeur homonyme, m’a proposé de publier un recueil de nouvelles, j’ai d’abord pensé à les rassembler de manière traditionnelle, n’osant même pas tenter d’imiter le grand Asimov. Mon épouse m’a convaincu d’écouter mon intuition et de faire ce recueil avant tout pour moi, comme je voudrais le lire.
Donc acte. Chaque nouvelle est désormais accompagnée d’une petite note où j’explique l’inspiration et le processus d’écriture derrière le texte. Parfois, je digresse un peu sur les thèmes qui me sont chers. Vous me connaissez, on ne se refait pas…
Le résultat est que loin d’être juste un assemblage de texte, ce recueil est devenu une forme de mise à nu, un partage très intime entre l’écrivain et chaque lect·eur·rice. Avec mon éditeur, nous avons pris la décision d’inclure également quelques « erreurs de jeunesse ». Ce ne sont pas mes meilleurs textes, mais rendre transparente mon évolution personnelle est une manière d’illustrer mon travail et, je l’espère, d’inspirer d’autres à apprécier leurs propres progrès. Pour tout avouer, je n’ose pas me relire, je suis un peu gêné de ce que vous allez découvrir de moi. Tout en étant très fier d’offrir un recueil qui est bien plus que la somme des textes qui le composent.
Si vous lisez ce blog, ce recueil est ce qui s’en rapproche le plus au format papier. Tout en étant bien plus amusant et gai à lire. Le partager et le recommander est la plus belle manière de soutenir mon travail.
=> Commander « Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur » (format papier)
=> Le recueil au format epub
Je serai très heureux d’avoir vos avis, vos réactions, de lire vos critiques sur vos blogs ou vos espaces en ligne respectifs. N’hésitez pas à m’envoyer vos retours. Sur Mastodon, je vous propose d’utiliser le hashtag #omega3000.
Et si vous avez découvert la surprise (qui est, si Wikipédia est exact, une première mondiale), chut ! Ne la spoilez pas pour les autres…
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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.